Page:Schopenhauer - De la quadruple racine, 1882, trad. Cantacuzène.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
94
DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

de façon à ne voir qu’un seul objet, tout en ayant tout près, devant les deux yeux bien ouverts, deux objets bien réels ; c’est là la preuve la plus frappante que la perception ne réside nullement dans la sensation, mais qu’elle se fait par un acte de l’entendement. On n’a qu’à prendre deux tubes en carton, longs de huit pouces et d’un pouce et demi de diamètre, que l’on joint ensemble, à la manière du télescope binoculaire, de façon qu’ils soient parfaitement parallèles, et l’on fixe devant l’ouverture de chaque tube une pièce de monnaie. En regardant par le bout opposé, que l’on rapproche des yeux, l’on ne verra qu’une seule pièce, entourée d’un seul tube. Car les deux yeux, forcés par les tubes à prendre des positions parfaitement parallèles, seront frappés uniformément par les deux monnaies juste au centre de la rétine et aux points qui l’entourent, par conséquent à des endroits symétriquement correspondants ; il en résultera que l’entendement, présupposant la position convergente des axes optiques que nécessite la vision d’objets peu éloignés, des yeux, n’admettra qu’un seul objet comme cause de la lumière ainsi réfléchie : ce qui veut dire que nous le verrons simple, tellement l’appréhension causale est un acte immédiat pour l’entendement.

Je n’ai pas la place ici pour réfuter isolément les explications physiologiques que l’on a essayé de donner de la vision simple. Leur fausseté ressort déjà des considérations suivantes : 1° Si elle dépendait d’une propriété de l’organe, les places correspondantes des deux rétines, dont il est prouvé que dépend la vision simple, devraient être