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que l’on doit bien se garder de prendre à la légère. Quiconque viole la foi et la loi demeure à jamais un homme sans foi ni loi, quoi qu’il fasse et quoi qu’il puisse être ; les fruits amers que la perte de l’honneur apporte avec soi ne tarderont pas à se produire.

L’honneur a, dans un certain sens, un caractère négatif, par opposition à la gloire dont le caractère est positif, car l’honneur n’est pas cette opinion qui porte sur certaines qualités spéciales, n’appartenant qu’à un seul individu ; mais c’est celle qui porte sur des qualités d’ordinaire présupposées, que cet individu est tenu de posséder également. L’honneur se contente donc d’attester que ce sujet ne fait pas exception, tant que la gloire affirme qu’il en est une. La gloire doit donc s’acquérir ; l’honneur au contraire n’a besoin que de ne pas se perdre. Par conséquent absence de gloire, c’est de l’obscurité, du négatif ; absence d’honneur, c’est de la honte, du positif. Mais il ne faut pas confondre cette condition négative avec la passivité ; tout au contraire, l’honneur a un caractère tout actif. En effet, il procède uniquement de son sujet : il est fondé sur la propre conduite de celui-ci et non sur les actions d’autrui ou sur des faits extérieurs ; il est donc « των εφ’ημιν » (une qualité intérieure). Nous verrons bientôt que c’est là une marque distinctive entre le véritable honneur et l’honneur chevaleresque ou faux honneur. Du dehors, il n’y a d’attaque possible contre l’honneur que par la calomnie ; le seul moyen de défense, c’est une réfutation accompagnée de la publicité nécessaire pour démasquer le calomniateur.

Le respect que l’on accorde à l’âge semble reposer sur