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même ce ne sont pas les bras et les jambes qui se meuvent et travaillent, mais le cerveau, c’est-à-dire cette portion du cerveau qui, par l’intermédiaire de la moelle allongée et de la moelle épinière, excite les nerfs de ces membres et les fait ainsi se mouvoir. Par suite aussi, la fatigue que nous éprouvons dans les jambes ou les bras a son siège réel dans le cerveau ; c’est pourquoi les membres dont le mouvement est soumis à la volonté, c’est-à-dire part du cerveau, sont les seuls qui se fatiguent, tandis que ceux dont le travail est involontaire, comme le cœur, par exemple, sont infatigables. Évidemment alors, c’est nuire au cerveau que d’exiger de lui de l’activité musculaire énergique et de la tension d’esprit, que ce soit simultanément ou même seulement après un trop court intervalle. Ceci n’est nullement en contradiction avec le fait qu’au début d’une promenade, ou en général pendant de courtes marches, on éprouve une activité renforcée de l’esprit ; car dans ce dernier cas il n’y a pas encore de fatigue des parties respectives du cerveau, et d’autre part cette légère activité musculaire, en accélérant la respiration, porte le sang artériel, mieux oxygéné aussi, à monter vers le cerveau. Mais il faut surtout donner au cerveau la pleine mesure de sommeil nécessaire à sa réfection, car le sommeil est pour l’ensemble de l’homme ce que le remontage est à la pendule (Voy. Le monde comme Volonté et comme Repr., vol. II). Cette mesure devra être d’autant plus grande que le cerveau sera plus développé et plus actif ; cependant l’outrepasser serait un pur gaspillage de temps, car le sommeil perd alors en intensité ce qu’il gagne en