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difficulté d’arriver à la connaissance des données. Mais la multitude ne percevra que de loin le bruit des applaudissements que ces travaux vaudront à leur auteur de la part de ses confrères en science, seuls connaisseurs en la matière. En poursuivant jusqu’à son terme la route ici indiquée, on peut même déterminer le point où les données, par leur extrême difficulté d’acquisition, suffisent à elles seules, en dehors de toute combinaison, pour fonder une gloire. Tels sont les voyages dans les pays très éloignés et peu visités ; on devient célèbre par ce qu’on a vu, non par ce qu’on a pensé. Ce système a encore ce grand avantage qu’il est plus facile de communiquer aux autres les choses qu’on a vues que celles qu’on a pensées, de même que le public comprend plus aisément les premières que les secondes ; on trouve aussi de cette façon plus de lecteurs. Car, ainsi qu’Asmus l’a déjà dit :

Wenn jemand eine Reise thut,
So kann er was erzählen.

(Après un grand voyage, on a bien des choses à raconter.)

Mais il en résulte aussi que, lorsqu’on fait la connaissance personnelle d’hommes célèbres de cette espèce, on se rappelle souvent l’observation d’Horace :

Cœlum, non animum, mutant, qui trans mare currunt.
__________________________(Ep. I, 11, t. 27.)

(C’est changer de climat, ce n’est pas changer d’humeur, que de courir au delà des mers.)

En ce qui concerne maintenant l’homme doué de hautes facultés, celui qui seul peut oser aborder la solution de ces