Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voici maintenant Lichtenberg : « Quand une tête et un livre en se heurtant rendent un son creux, cela vient-il toujours du livre ?  » Le même dit ailleurs : « De tels ouvrages sont des miroirs ; quand un singe s’y mire, ils ne peuvent réfléchir les traits d’un apôtre. »

Rapportons encore la belle et touchante plainte du vieux papa Gellert ; elle le mérite bien :

Dass oft die allerbesten Gaben
Die wenigsten Bewundrer haben,
Und dass der grösste Theil der Welt
Das Schlechte für das Gute hält ;
Dies Uebel sieht man alle Tage.
Iedoch, wie wehrt man dieser Pest ?
Ich zweifle, dass sich diese Plage
Aus unsrer Welt verdrängen lässt.
Ein einzig Mittel ist auf Erden,
Allein es ist unendlich schwer :
Die Narren müssen weise werden ;
Und seht ! sie werden’s nimmermehr.
Nie kennen sie den Werth der Dinge.
Ihr Auge schliesst, nicht ihr Verstand :
Sie loben ewig das Geringe,
Weil sie das Gute nie gekannt.

(Que de fois les meilleures qualités trouvent le moins d’admirateurs, et que de fois la plupart du monde prend le mauvais pour le bon ! C’est là un mal que l’on voit tous les jours. Mais comment éviter cette peste ? Je doute que cette calamité puisse être chassée de ce monde. Il n’est qu’un seul moyen sur terre, mais il est infiniment difficile : c’est que les fous deviennent sages. Mais quoi ! ils ne le deviendront jamais. Ils ne connaissent pas la valeur des choses ; c’est par la vue, ce n’est pas par la raison qu’ils jugent. Ils louent constamment ce qui est petit, car ils n’ont jamais connu ce qui est bon.)

À cette incapacité intellectuelle des hommes qui fait, comme le dit Gœthe, qu’il est moins rare de voir naître une œuvre éminente que de la voir reconnue et appréciée, vient s’ajouter encore leur perversité morale se manifes-