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mand est pris de vertige, tombe bientôt dans une espèce de délire, et s’échappe en phrases ampoulées et vides de sens. Il coud artificiellement ensemble les notions les plus éloignées et par conséquent les plus creuses, au lieu de fixer ses yeux sur la réalité et de voir les choses telles qu’elles sont. C’est de ces choses que sont tirées les idées en question, et ce sont elles qui, par suite, leur donnent leur seule signification vraie.

Celui qui part de l’idée préconçue que la notion du droit doit être positive, et qui ensuite entreprend de la définir, n’aboutira à rien ; il veut saisir une ombre, poursuit un spectre, entreprend la recherche d’une chose qui n’existe pas. La notion du droit, comme celle de la liberté, est négative ; son contenu est une pure négation. C’est la notion du tort qui est positive ; elle a la même signification que nuisance — læsio — dans le sens le plus large. Cette nuisance peut concerner ou la personne, ou la propriété, ou l’honneur. Il s’ensuit de là que les droits de l’homme sont faciles à définir : chacun a le droit de faire tout ce qui ne nuit pas à un autre.

Avoir un droit à quelque chose ou sur quelque chose signifie simplement ou faire cette chose, ou la prendre, ou en user, sans nuire par là à qui que ce soit. Simplex sigillum veri. Cette définition montre l’absurdité de maintes questions : par exemple, si nous avons le droit de nous enlever la vie. Quant aux droits que, dans cette conjecture, d’autres pourraient avoir personnellement sur nous, ils sont soumis à la condition que nous vivions, et tombent avec elle. Réclamer d’un