Ce fait de reconnaître sa propre et véritable essence dans un autre individu qui se manifeste objectivement, apparaît avec une beauté toute particulière dans les cas où un être humain, voué inévitablement à la mort, se dévoue avec un soin anxieux et un zèle actif au bien et au salut des autres. On connaît l’histoire de cette servante qui, mordue la nuit, dans la cour d’une ferme, par un chien enragé, et se sentant perdue, empoigne le chien et le traîne dans l’écurie, qu’elle referme, pour empêcher qu’il ne fasse d’autres victimes. De même cet épisode qui a eu Naples pour théâtre, et que Tischbein[1] a perpétué dans une de ses aquarelles. Fuyant devant la lave qui envahit rapidement la mer, un fils porte son vieux père sur ses épaules ; mais quand une étroite bande de terre sépare seulement encore l’un de l’autre les deux éléments destructeurs, le père dit à son fils de le laisser là, et de se sauver en courant ; sans quoi tous deux seraient perdus. Le fils obéit, et jette, en s’éloignant, un dernier regard d’adieu à son père. C’est la scène du tableau. De la même nature est le fait historique que Walter Scott décrit, avec sa maîtrise habituelle, dans
- ↑ L’histoire de la peinture allemande enregistre le nom de cinq Tischbein, les deux oncles et les trois neveux. Celui dont il s’agit ici, Wilhelm, né à Hayna en 1751, mort à Eutin en 1829, est le plus connu. On l’appelle « le Napolitain », parce qu’il habita longtemps Naples. Élève de Raphaël Mengs, il s’éleva peu à peu de la pure virtuosité de son maître à l’art classique proprement dit, et finit même par aller jusqu’au réalisme. Son tableau le plus célèbre est Gœthe sur les ruines de Rome, qui se trouve à l’institut artistique de Städel, à Francfort, et que la gravure a rendu si populaire. Wilhelm Tischbein fut jusqu’à sa mort l’ami intime de l’auteur de Faust, qui parle plus d’une fois de lui. (Le trad.)