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un passage d’Homère, qui déclare la colère plus douce que le miel[1]. Mais ce n’est pas seulement à la colère, c’est aussi à la haine, qui est par rapport à elle ce qu’est une maladie chronique à une maladie aiguë, qu’on se livre réellement con amore :

Now hatred is by far the longest pleasure :
Men love in haste, but they detest at leisure[2].
_______(Byron, Don Juan, chant XIII, strophe VI).

Gobineau[3], dans son livre sur les Races humaines, a

  1. Ce passage se trouve dans les deux vers suivants de l’Iliade (chant xviii, 109-110) :

    ὅςτε πολὺ γλυκίων μέλιτος καταλειβομένοιο
    ἀνδρῶν ἐν στήθεσσιν ἀέξεται ἠύτε καπνός.

    « Qui, plus douce encore que le miel, qui coule avec limpidité, se gonfle dans la poitrine des hommes comme une vapeur. » (Le trad.)
  2. « La haine est de beaucoup le plaisir le plus durable. Les hommes aiment rapidement, mais ils détestent longuement ».
  3. Le comte de Gobineau (Joseph-Arthur), né à Ville-d’Avray (d’autres disent à Bordeaux) en 1816, entra en 1849 au ministère des Affaires étrangères, et fut successivement secrétaire d’ambassade à Berne, à Hanovre, à Francfort, ministre en Perse de 1862 à 1864, en Grèce de 1864 à 1868, au Brésil, puis en Suède, de 1872 à 1877. Après sa mise à la retraite, il s’établit à Rome, et mourut en 1882 à Turin. Le comte de Gobineau a beaucoup écrit, et ses ouvrages sont en général remarquables : ils embrassent les genres les plus divers, depuis l’étude des caractères cunéiformes et l’histoire des civilisations jusqu’au roman et à la poésie. Son livre le plus important est l’Essai su l’inégalité des races humaines (1853) : c’est la base de tous les travaux de l’auteur, et la théorie qui en fait le fond – celle de l’anthropologie des diverses nationalité – se retrouve jusque dans son grand poème d’Amadis ; c’est en même temps le point de départ de la nouvelle école ethnologique. Il est intéressant de constater que les Allemands se sont de bonne heure occupés des travaux du comte de Gobineau, et alors qu’aujourd’hui encore il n’est guère connu en France que des érudits, qu’ils lui consacrent des études sérieuses et traduisent ses œuvres jusque dans des collections populaires à très bon marché. Il y a évidemment une affinité