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car ils sont la honte de l’humanité entière. Un autre exemple datant de nos jours — pour beaucoup de gens le passé n’a plus de valeur — se trouve dans les Voyages au Pérou, de Tschudi (1846), et concerne le traitement infligé aux soldats péruviens par leurs officiers[1]. Mais nous n’avons que faire d’aller chercher des exemples dans le Nouveau-Monde, ce revers de la planète. N’a-t-on pas découvert en Angleterre, en 1848, que dans un court espace de temps, et cela non pas une fois, mais des centaines de fois, un mari a empoisonné sa femme, ou une femme son mari, ou tous deux leurs enfants, ou torturé lentement ceux-ci a mort par la faim ou les mauvais traitements, uniquement pour recevoir des Sociétés mortuaires (Burial Clubs) les frais d’enterrement qui leur étaient assurés en cas de décès ! À cette fin ils faisaient inscrire un enfant dans plusieurs et jusque dans vingt de ces Sociétés à la fois. On peut voir à ce sujet le Times des 20, 22 et 23 septembre 1848, qui réclame vivement, pour cette raison seule, la suppression des Sociétés mortuaires. Ce journal renouvelle violemment la même plainte, le 12 décembre 1853.

Des rapports de ce genre appartiennent évidemment aux pages les plus noires des annales criminelles de la race humaine. Mais la source de ces faits et de tous les faits analogues n’en est pas moins l’essence intime et innée de l’homme, ce dieu κατ' ἐξοχήν (selon la règle) des panthéistes. En chacun réside avant tout un colossal égoïsme qui franchit le plus facilement du monde

  1. Un exemple de ces tout derniers temps se trouve dans l’ouvrage de Mac Leod, Travels in Eastern Africa, Londres, 1880, 2 vol., qui enregistre la cruauté inouïe, froidement calculée, vraiment diabolique, avec laquelle les Portugais traitent leurs esclaves dans le Mozambique.