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plus par le mot vertu que les qualités morales. En attendant, on trouve le mot avec son sens primitif chez les anciens latinistes, comme aussi en italien, ainsi que le prouve la signification bien connue du mot virtuoso. Les maîtres devraient appeler expressément l’attention des écoliers sur cette extension de l’idée de vertu chez les anciens ; autrement, elle pourrait engendrer facilement chez eux une perplexité secrète. À cette fin, je recommande particulièrement deux passages qui nous ont été conservés par Stobée. Le premier, dû probablement au pythagoricien Métopos (Florilège, titre I, § 64), où est expliquée la capacité de chaque membre de notre corps pour l’ἀρετή; le second, qui se trouve dans ses Églogues physiques et éthiques (livre II, chap. VII). On y lit en toutes lettres : σκυτοτὀμου ἀρετή λέγεσθαι καθ' ἤν ἀποτελεῖν ἄριστον ὑπόδημα δύναται. (Un cordonnier a de la vertu, suivant qu’il confectionne bien sa chaussure.) Ceci explique pourquoi il est question, dans l’éthique des anciens, de vertus et de vices qui ne trouvent pas place dans la nôtre.

Comme la place assignée à la bravoure parmi les vertus, celle assignée à l’avarice parmi les vices est douteuse. Toutefois il ne faut pas confondre celle-ci avec la cupidité, qu’exprime directement le mot latin avaritia. Aussi allons-nous examiner une bonne fois le pour et le contre au sujet de l’avarice, en laissant à chacun le soin du jugement final.

A. — Ce n’est pas l’avarice qui est un vice, mais son contraire, la prodigalité. Elle résulte d’une limitation bestiale au présent, sur lequel l’avenir, qui n’existe encore qu’en idée, ne peut obtenir aucun pouvoir, et