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plaires. On peut prévoir aussi à l’avance, en général, ce qu’ils diront et feront. Ils n’ont pas d’empreinte propre : c’est une marchandise de fabrique.

De même que leur être, leur existence aussi ne doit-elle pas être absorbée dans celle de l’espèce ? La malédiction du caractère commun rabaisse l’homme, sous ce rapport, au niveau de l’animal.

Il va de soi que tout ce qui est élevé, grand, noble par nature, restera à l’état isolé dans un monde où l’on n’a pu trouver, pour désigner ce qui est bas et méprisable, une expression meilleure que celle indiquée par moi comme généralement employée : « commun ».

La volonté, comme la chose en soi, est la matière commune de tous les êtres, l’élément courant des choses ; nous la possédons par conséquent en commun avec tous les hommes et avec chacun, même avec les animaux, et à un degré plus bas encore. En elle, à ce point de vue, nous sommes donc égaux à chacun ; car toute chose prise dans son ensemble ou en détail, est emplie de volonté et en déborde. Par contre, ce qui élève un être au-dessus d’un être, un homme au-dessus d’un homme, c’est la connaissance. Aussi elle seule, autant que possible, devrait-elle apparaître dans nos manifestations. Car la volonté, propriété absolument commune à tous, est aussi « le commun ». Toute affirmation, violente de sa part est en conséquence « commune ». Elle nous rabaisse jusqu’à n’être qu’un exemplaire de l’espèce, car nous ne montrons ensuite que le caractère de celle-ci. Il convient donc d’appliquer le mot « commun » à la colère, à la joie démesurée, à la haine, à la crainte, bref, à tout affect, c’est-à-dire à