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SUR L’ÉDUCATION


D'après la nature de notre intellect, les idées doivent naître, par abstraction, de nos perceptions ; celles-ci doivent donc être antérieures à celles-là. Quand cette marche est réellement suivie, comme c'est le cas chez celui qui n'a eu d'autre précepteur et d'autre livre que sa propre expérience, l'homme sait parfaitement quelles sont les perceptions qui se trouvent sous chacune de ses idées et que celles-ci représentent; il connaît exactement les unes et les autres, et il les applique avec justesse à tout ce qui se présente à lui. Nous pouvons donner à cette marche le nom d'éducation naturelle.

Au contraire, dans l'éducation artificielle, les racontages, les enseignements et les lectures bourrent la tête de notions, avant l'existence de tout contact un peu sérieux avec le monde visible. On compte que l'expérience amènera plus tard les perceptions qui confirmeront toutes ces notions ; mais, en attendant, celles-ci sont appliquées à faux, et, en conséquence, les choses et les hommes sont faussement jugés, vus sous un faux jour, maniés de travers. Il advient ainsi que l'éducation produit des têtes biscornues. Voilà comment, dans