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veulent être qualifiés d’Israélites[1], les tailleurs de faiseurs d’habits, que les marchands nomment leur comptoir un bureau, que chaque plaisanterie ou trait d’esprit vise à être de l’humour ; car on attribue au mot ce qui n’appartient pas à lui, mais à la chose. Ce n’est pas le mot qui a nui à la chose, mais le contraire a eu lieu. Aussi, dans deux siècles, ceux qui y auront intérêt réclameront de nouveau la substitution d’autres mots.

Mais en aucun cas la langue allemande ne peut, pour un caprice de femme, s’appauvrir d’un mot. Aussi, qu’on n’abandonne pas la bride aux femmes (Weiber) ni aux fades littérateurs qui entourent leur table à thé. Songeons plutôt que le mal de la femme ou le féminisme en Europe peut nous jeter à la fin dans les bras du mormonisme[2].

Peu de gens écrivent comme bâtit un architecte, qui a commencé par dresser son plan et l’a examiné dans tous ses détails ; la plupart n’écrivent guère que comme on joue aux dominos. De même qu’ici, à demi par réflexion, à demi par hasard, chaque pièce s’adapte à une autre, ainsi en advient-il de la succession et de l’enchaînement de leurs phrases. C’est à

  1. Bien que, depuis le roi Psalmanasar, de glorieuse mémoire, il n’y ait plus d’Israélites.
  2. On a proposé récemment, vu le discrédit dans lequel est tombé le mot Litterat (littérateur), d’appliquer à ces messieurs la dénomination de Schriftverfasser (compositeurs d’écrits). Il en est d’une chose tout entière comme d’un individu pris à part : quand un homme change de nom, c’est qu’il ne peut plus porter honorablement le premier. Mais cet homme reste ce qu’il était, et ne fera pas plus honneur au nom nouveau qu’à l’ancien.

    Le mot Weiber n’a, en tout cas, aucunement démérité, ni comme son ni comme étymologie.