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magne, c’est la subjectivité. Elle consiste en ce qu’il suffit à l’écrivain de savoir lui-même ce qu’il pense et veut ; quant au lecteur, il n’a qu’à s’en tirer comme il peut. Sans se soucier de celui-ci, l’auteur écrit comme s’il tenait un monologue ; tandis que ce devrait être un dialogue, et un dialogue dans lequel on doit s’expliquer d’autant plus clairement, qu’on n’entend pas les questions du lecteur. Précisément pour cette raison, le style doit être non subjectif, mais objectif ; et, pour ce faire, il convient de placer les mots de telle façon qu’ils contraignent directement le lecteur à penser exactement ce qu’a pensé l’auteur. Mais cela ne sera le cas que si l’auteur s’est toujours rappelé que les pensées, en tant qu’elles suivent la loi de la pesanteur, accomplissent plus facilement le chemin de la tête au papier que du papier à la tête ; aussi devons-nous les aider en ceci par tous les moyens à notre disposition. La chose une fois faite, les mots ont un effet purement objectif, comme un tableau à l’huile terminé ; tandis que le style subjectif n’a pas d’effet beaucoup plus sûr que les taches sur un mur, dans lesquelles celui-là seul dont elles excitent accidentellement l’imagination voit des figures, alors que les autres ne voient que des pâtés. Cette différence s’étend au style tout entier, mais peut souvent aussi être démontrée dans les détails. Ainsi, je lis dans un livre récent : « Pour augmenter la masse des livres existants, je n’ai pas écrit ». Ceci dit le contraire de ce que l’auteur voulait dire, et de plus est un non-sens.

Celui qui écrit négligemment prouve avant tout par là qu’il n’attache pas lui-même grande valeur à ses