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mainte autre économie de mots absolument déplacée, ils cherchent à produire ce que leur naïveté se représente par brièveté de l’expression et style concentré. Ainsi, en économisant un mot qui aurait répandu soudainement de la lumière sur une période, ils font de celle-ci une énigme qu’on cherche à résoudre par une lecture répétée[1].

Avec cette façon inepte de retrancher partout des syllabes, tous les mauvais écrivains défigurent aujourd’hui la langue allemande, qu’on ne pourra plus restaurer. Aussi ces soi-disant réformateurs doivent-ils être châtiés sans distinction de personne, comme des écoliers. Que tout homme bien intentionné et intelligent prenne donc parti avec moi pour la langue allemande contre la sottise allemande. De quelle façon le traitement arbitraire et même insolent que chaque gâcheur d’encre se permet, en Allemagne, d’appliquer aujourd’hui à la langue, serait-il accueilli en Angleterre, en France, ou en Italie, à laquelle il nous faut envier son Académie de la Crusca ? Voyez, par exemple, dans la Vie de Benvenuto Cellini, qui fait partie de la Biblioteca de’ Classici italiani (Milan, 1804 et sqq., t. 142), avec quel soin l’éditeur critique et examine aussitôt en note tout ce qui s’écarte, si peu que ce soit, du pur toscan, ne s’agît-il que d’une lettre. Les éditeurs des Moralistes français (1838) procèdent de la même manière. Quand Vauvenargues écrit, par exemple : « Ni le dégoût est une

  1. Nous devons omettre ici quelques pages de remarques grammaticales pleines d’intérêt pour ceux qui connaissent la langue allemande, mais qui, traduites dans une autre langue, perdraient toute signification et seraient même à peu près inintelligibles. (Le trad.)