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sophes et en général de tous les écrivains à idées de l’Allemagne, particulièrement depuis Fichte. On peut remarquer chez tous qu’ils veulent paraître avoir quelque chose à dire, tandis qu’ils n’ont rien à dire. Cette manière introduite par les pseudo-philosophes des Universités peut être observée couramment, même chez les premières notabilités littéraires du temps présent. Elle est la mère du style forcé, vague, équivoque, voire ambigu, comme du style prolixe et lourd, du « style empesé » ; elle est aussi celle de la verbosité sans but ; c’est en vertu d’elle, enfin, que la plus déplorable indigence d’idées se dissimule sous un verbiage infatigable, qui assourdit comme un claquet de moulin. On peut lire cela des heures entières, sans y découvrir une seule idée nettement exprimée et définie. Les trop fameux Jahrbücher de Halle, dénommés ensuite Jahrbücher allemands, donnent presque à chaque instant des modèles choisis de cette manière de faire et de cet art.

En attendant, l’insouciance allemande s’est habituée à lire page par page ce fatras de tout genre, sans savoir au juste ce que veut à vrai dire l’écrivain. Elle s’imagine qu’il doit en être ainsi, et ne découvre pas qu’il écrit uniquement pour écrire. Un bon écrivain, riche en idées, s’impose au contraire bien vite, auprès du lecteur, comme ayant réellement quelque chose à dire ; et ceci donne à ce dernier, quand il est sensé, la patience de le suivre attentivement. Un écrivain de ce genre, précisément parce qu’il a réellement quelque chose à dire, s’exprimera toujours aussi de la façon la plus simple et la plus nette. Il a en effet à cœur d’éveiller chez le lecteur aussi l’idée même