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comme épigraphe : « Vivre et laisser vivre ! » (Et le public est assez simple pour lire le nouveau plutôt que le bon). En est-il un seul parmi eux qui puisse se vanter de n’avoir jamais loué l’écrivaillerie la plus nulle, jamais blâmé et ravalé l’excellent, ou, pour en détourner les regards, jamais présenté d’une manière astucieuse celui-ci comme insignifiant ? En est-il un seul qui ait toujours fait le choix des extraits consciencieusement d’après l’importance des livres, et non d’après des recommandations de compères, des égards envers confrères, ou même sans que les éditeurs lui aient graissé la patte ? Tous ceux qui ne sont pas novices, dès qu’ils voient un livre fortement loué ou blâmé, ne se reportent-ils pas aussitôt presque machinalement au nom de l’éditeur ? S’il existait, au contraire, un journal littéraire comme celui que je réclame, la menace du pilori, qui attend infailliblement leur bousillage, paralyserait les doigts, qui lui démangent, de chaque mauvais écrivain, de chaque compilateur sans esprit, de chaque plagiaire des livres d’autrui, de chaque philosophastre creux, incapable et famélique, de chaque poétastre enflé de vanité ; et ce serait vraiment pour le salut de la littérature, où le mauvais n’est pas seulement inutile, mais est positivement pernicieux. Or, la majeure partie des livres est mauvaise, et on n’aurait pas dû les écrire ; en conséquence, l’éloge devrait être aussi rare que l’est actuellement le blâme, sous l’influence d’égards personnels et de la maxime : Accedas socius, laudes lauderis ut absens. On a absolument tort de vouloir transporter également à la littérature la tolérance qu’on doit nécessairement exercer dans la société, où partout ils