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seigner sur un objet doit-il se garder de consulter les plus récents livres sur la matière, dans la supposition que les sciences progressent constamment, et que, pour composer les nouveaux, on a fait usage des anciens. Oui, on en a fait usage, mais comment ? L’écrivain souvent ne comprend pas à fond les anciens livres ; il ne veut cependant pas employer leurs termes exacts ; en conséquence, il améliore en mal et gâte ce qu’ils ont dit infiniment mieux et plus clairement, puisqu’ils ont été écrits d’après la connaissance propre et vivante du sujet. Souvent il laisse de côté le meilleur de ce qu’ils renferment, leurs élucidations les plus frappantes, leurs remarques les plus heureuses ; c’est qu’il n’en reconnaît pas la valeur, qu’il n’en sent pas l’importance essentielle. Il n’a d’affinité qu’avec ce qui est plat et sec.

Il arrive souvent qu’un ancien et excellent livre soit écarté au profit d’un nouveau livre bien inférieur, écrit pour l’argent, mais d’allure prétentieuse et prôné par les camarades. Dans la science chacun veut, pour se faire valoir, porter quelque chose de neuf au marché. Cela consiste uniquement, dans beaucoup de cas, à renverser ce qui a passé jusque-là, pour exact, en vue d’y substituer ses propres sornettes. La chose réussit parfois pour un temps, puis les gens reviennent à la vieille doctrine exacte. Ces novateurs ne prennent rien de sérieux au monde que leur digne personne ; ils veulent la mettre en relief. Alors, de recourir bien vite au paradoxe : la stérilité de leurs cerveaux leur recommande la voie de la négation. Alors, de nier des vérités depuis longtemps reconnues, telles que la force vitale, le système nerveux sympathique, la generatio æquivoca, la