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éducation, esthétique, langue et style, lecture et livres, tristesse de la vie, suicide, femmes, caractères de la physionomie, désagréments du bruit, etc. C’est une sorte de vaste exégèse des problèmes fondamentaux de l’existence, où chacun peut, selon sa prédilection et son goût, choisir ce qui lui plaît le mieux. « Le lecteur, dit Gwinner dans son style parfois un peu bien métaphorique, s’y promène avec un étonnement qui ne cesse de s’accroître, comme dans un parc français à l’ancienne mode, où d’abord mainte chose lui paraît étrange et baroque, mais captive sa curiosité, et finit même, quand il a un peu pénétré dans le labyrinthe de ce parc, par lui sembler moderne… Le livre offrait une nourriture substantielle, un peu âcre et acerbe, mais préparée avec un soin et un goût des plus scrupuleux, de sorte que même l’estomac difficile des contemporains la digérait aisément[1]. » Gutzkow, la meilleure tête de la « Jeune Allemagne », en parla comme « d’un livre surprenant, d’une mine de pensées suggestives ». Pour citer un mot favori de Schopenhauer, sa philosophie avait, comme jadis Thèbes la superbe, cent portes par lesquelles on pouvait entrer.

Son dernier ouvrage fit pour lui ce que n’avaient pu faire ni Le monde comme volonté et comme représentation, ni ses autres écrits. Il ouvrit enfin toutes grandes à son auteur les portes de cette gloire dont « les premiers regards sont plus doux que les feux de l’aurore », selon l’expression de Vauvenargues. Il passa, presque sans transition, de l’obscurité à la pleine lumière. « Cela réconforte vraiment le cœur, dans la vieillesse, quand les amis du jeune temps ont presque tous disparu, — écrit-il à un de ses nouveaux admirateurs, Ernest-Otto Lindner, rédacteur de la Gazette de Voss, — de retrouver des amis jeunes dont la sympathie et le zèle dépassent ceux des amis de jadis ; et cela réconforte doublement, quand nous sommes redevables de ces nouveaux amis non au hasard, ou à des opinions communes, mais à la meilleure et à la plus noble partie de nous-même[2]. »

  1. Schopenhauer’s Leben, p. 552.
  2. Schopenhauer’s Briefe, p. 391.