Page:Schopenhauer - Écrivains et Style, 1905, trad. Dietrich.djvu/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pable de tromper désormais personne, elle restera sans effet.

Les choses se passent dans la république des lettres comme dans les autres républiques : on aime un homme simple qui suit tranquillement sa route et ne veut pas être plus malin que les autres. On se réunit contre les excentriques, qui sont un danger, et on a en cela la majorité — et quelle majorité ! — de son côté.

Dans la république des lettres les choses se passent, en somme, comme dans la république mexicaine, où chacun ne songe qu’à son avantage, recherche la considération et la puissance personnelles, sans se soucier nullement de l’ensemble de la nation, qui marche à sa ruine. De même, dans la république des lettres, chacun cherche à ne faire valoir que lui-même, en vue d’obtenir de la considération. Le seul point sur lequel ils s’accordent tous, c’est de ne pas laisser surgir une tête véritablement éminente, au cas où elle se montrerait ; car elle menacerait toutes les autres. Comment, avec cela, l’ensemble des connaissances trouve son compte, il est facile de le deviner.

Entre les professeurs et les lettrés indépendants a existé de tout temps un certain antagonisme qui pourrait peut-être s’expliquer par celui qui règne entre chiens et loups.

Les professeurs ont, par leur situation, de grands avantages pour se faire connaître de leurs contemporains. Les lettrés indépendants, par contre, ont de grands avantages pour se faire connaître de la postérité. Pour cela, en effet, il faut, parmi d’autres choses