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quinade jouée en chaire par Hegel (p. 44) : « C’est le monument sublime, aux assises profondes, de la plus haute pénétration métaphysique que la science connaisse. Des mots tels que ceux-ci : « Le penser de la nécessité est la liberté ; l’esprit se crée un monde de moralité où la liberté redevient nécessité », des mots tels que ceux-ci remplissent de respect l’esprit qui s’en approche, et, une fois bien reconnus, assurent à celui qui les a proférés l’immortalité. » Comme ce M. Link est non seulement membre de l’Académie de Berlin, mais compte aussi parmi les notabilités, peut-être les célébrités, de la république des lettres allemande, ces assertions, que personne n’a blâmées, peuvent servir aussi d’échantillon de vigueur de jugement allemande et de justice allemande. Ensuite on comprendra mieux comment il a pu se faire que mes écrits, pendant plus de trente ans, n’aient pas été jugés dignes d’un coup d’œil.

Le lettré allemand est trop pauvre, d’autre part, pour pouvoir être droit et honnête. Aussi pirouetter, serpenter, s’accommoder et renier ses convictions, enseigner et écrire ce qu’il ne croit pas, ramper, flatter, se ranger d’un parti ou d’une coterie, prendre en considération ministres, grands, collègues, étudiants, libraires, critiques, bref, tout plutôt que la vérité et les services rendus aux autres, c’est là sa conduite et sa méthode. Il devient ainsi le plus souvent un drôle rempli d’égards. Par suite de cela, la déloyauté a pris aussi une telle prédominance dans la littérature allemande en général et dans la philosophie en particulier, qu’on est en droit d’espérer qu’elle a atteint le point où, devenue inca-