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plupart des livres si ennuyeux. On prétend qu’un bon cuisinier pourrait donner du goût même à une vieille semelle de botte. Un bon écrivain peut, de même, rendre intéressant le sujet le plus aride.

Pour l’immense majorité des lettrés, le savoir est un moyen, non un but. Voilà pourquoi ils ne feront jamais rien de grand. Le savoir doit être un but pour celui qui le cultive, et tout le reste, même l’existence, seulement un moyen. Tout ce qu’on ne cultive pas pour la chose elle-même, on ne le cultive qu’à moitié, et la véritable excellence, dans les œuvres de tout genre, ne peut réaliser que ce qui a été produit pour soi-même, et non en vue de buts ultérieurs. De même, celui-là seul parviendra à des vues nouvelles et fondamentales, qui dirige ses études avec des idées personnelles, sans se soucier de celles des autres. Mais les lettrés, en général, étudient dans le dessein de pouvoir enseigner et écrire. Aussi leur tête ressemble-t-elle à un estomac et à des intestins qui rejettent les aliments sans les digérer. Pour cette raison, leur enseignement et leurs écrits seront aussi de peu d’utilité. Ce n’est pas avec des déjections non digérées, mais seulement avec le lait qui s’est isolé du sang même, qu’on peut nourrir les autres.

La perruque est bien le véritable symbole du pur et simple lettré. Elle orne la tête d’une masse abondante de cheveux étrangers, les vrais faisant défaut. Ainsi l’érudition, qui pare celui-là, consiste en une grande masse d’idées étrangères, qui ne l’habillent pas si bien et si naturellement, ne s’adaptent pas si utilement à tous les cas et à toutes les fins, ne sont pas si solide-