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pourquoi la gloire auprès de la postérité est acquise le plus souvent aux dépens des applaudissements contemporains, et vice versa. Nous avons un épicycle de ce genre dans la philosophie de Fichte et de Schelling, couronnée, en dernière instance, par sa caricature hégélienne. Cet épicycle partait de la ligne circulaire tracée finalement par Kant, jusqu’à l’endroit où je l’ai reprise plus tard, pour la conduire plus loin. Mais, dans l’intervalle, les faux philosophes mentionnés, et quelques autres encore à côté d’eux, passèrent par leur épicycle, qui vient juste de se fermer ; de sorte que le public qui les a suivis a conscience de se trouver au point même d’où il est parti.

Il résulte de cet état de choses, que nous assistons tous les trente ans environ à la faillite déclarée de l’esprit scientifique, littéraire et artistique de l’époque. Dans cette période, les erreurs accumulées se sont accrues au point qu’elles s’écroulent sous le poids de leur absurdité ; en même temps l’opposition qui leur est faite est devenue plus forte. Alors s’effectue un changement, qui a souvent pour conséquence une erreur en sens inverse. Montrer cette marche des choses dans son retour périodique, ce serait la vraie matière pragmatique de l’histoire littéraire ; mais celle-ci songe peu à cela. De plus, la brièveté relative de ces périodes s’oppose souvent à ce qu’on rassemble leurs données dans les temps un peu éloignés ; c’est donc dans sa propre époque qu’on peut le plus commodément examiner la chose. Si l’on voulait à ce sujet un exemple emprunté aux sciences positives, on pourrait prendre la géologie neptunienne de Werner. Mais je m’en tiens à l’exemple déjà cité, comme étant le plus près de nous.