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rente. La première se développe en littérature durable. Cultivée par des gens qui vivent pour la science ou pour la poésie, elle va d’un pas sérieux et tranquille, mais excessivement lent ; elle produit par siècle, en Europe, à peine une douzaine d’œuvres, mais qui restent. L’autre, cultivée par des gens qui vivent de la science ou de la poésie, va au galop, à travers le bruit et les cris de ceux qui la pratiquent, et débite chaque année des milliers d’œuvres sur le marché. Mais, au bout de quelques années, on demande : Où sont-elles ? qu’est devenue leur renommée si rapide et si bruyante ? Aussi peut-on qualifier cette dernière littérature de passagère, et l’autre de permanente.

Un demi-siècle, dans l’histoire du monde, est toujours quelque chose de considérable. En effet, la matière de cette histoire ne cesse de se succéder, vu qu’il se passe toujours quelque chose. Dans l’histoire de la littérature, au contraire, ce même laps de temps souvent ne compte pas. C’est que rien ne s’est produit. (Les tentatives sans valeur n’existent pas.) On est donc au même point que cinquante ans plus tôt.

Pour éclaircir ceci, il faut se représenter les progrès de la connaissance dans l’humanité sous l’image d’un orbite planétaire. Les fausses routes que d’ordinaire elle ne tarde pas à suivre après chaque progrès important, sont représentées par les épicycles du système de Ptolémée ; après avoir passé par chacune d’elles, elle se retrouve au point où elle était avant de les prendre. Toutefois les grands esprits qui introduisent réellement la race dans un orbite planétaire, ne passent pas chaque fois avec elle par l’épicycle. Ceci explique