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Nous ne pouvons acquérir, par la lecture des écrivains, aucune des qualités qu’ils possèdent : par exemple, force de persuasion, richesse d’images, don des comparaisons, hardiesse ou amertume, brièveté, grâce, légèreté d’expression, ou esprit, contrastes surprenants, laconisme, naïveté, etc. Mais si nous sommes déjà doués de ces qualités, c’est-à-dire si nous les possédons potentiâ, nous pouvons par là les faire éclore en nous, les amener à la conscience ; nous pouvons voir quel usage il est possible d’en faire, nous pouvons être fortifiés dans l’inclination à nous en servir, même dans le courage de le faire ; nous pouvons juger par des exemples l’effet de leur emploi, et apprendre ainsi l’usage exact de celui-ci ; après quoi seulement nous possédons ces qualités aussi actu. Ceci est donc l’unique manière dont la lecture forme à écrire, en nous enseignant l’usage que nous pouvons faire de nos propres dons naturels : mais toujours en présupposant l’existence de ceux-ci. Sans ces dons, par contre, nous ne nous assimilons par la lecture qu’une forme froide et morte, et devenons de plats imitateurs.

La police sanitaire devrait, dans l’intérêt des yeux, veiller à ce que la petitesse de l’impression eût un minimum fixé, qui ne puisse être dépassé. Quand j’étais à Venise, en 1818, époque à laquelle on fabriquait encore les véritables chaînes vénitiennes, un orfèvre me dit que ceux qui faisaient la catena fina, devenaient aveugles à trente ans.

De même que les couches de la terre conservent par rangées les êtres vivants des époques passées, ainsi les