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yons, par nature, d’abord le signe perceptible, en premier lieu pour exprimer nos affects, ensuite pour exprimer nos pensées ; nous arrivons par là à une langue pour l’oreille, avant que nous ayons même songé à en imaginer une pour la vue. Mais ensuite il est plus indiqué de ramener cette dernière, où elle est nécessaire, à l’autre, que d’imaginer ou d’apprendre une langue toute nouvelle et même toute différente, pour l’œil, d’autant plus qu’on a bientôt découvert que le nombre infini des mots se laisse ramener à un très petit nombre de sons, et, en conséquence, se laisse, grâce à ceux-ci, facilement exprimer. 2o La vue, il est vrai, peut embrasser des modifications plus variées que l’oreille ; mais nous ne pouvons, pour l’œil, les produire sans instruments, comme c’est le cas pour l’oreille. Nous ne pourrions jamais non plus produire et faire se succéder les signes visibles avec la rapidité des signes perceptibles, grâce à la volubilité de la langue ; c’est ce dont témoigne l’imperfection du langage des doigts chez les sourds-muets. Ceci fait donc de l’ouïe, originairement, le sens essentiel du langage, et par là de la raison. En conséquence, ce n’est donc au fond que par suite de raisons extérieures et accidentelles, non de raisons provenant de l’essence de la chose en elle-même, que la voie droite n’est pas ici, par exception, la meilleure. Le procédé des Chinois, si nous l’examinons d’une façon abstraite, théorique et a priori, resterait donc le vrai. On ne pourrait que leur reprocher quelque pédantisme, en ce qu’ils ont fait abstraction des conditions empiriques qui conseillent une autre voie. Quoi qu’il en soit, l’expérience aussi a révélé un très grand avantage de l’écriture chinoise. On