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mier et dernier » que quand, comme plus haut, chacune de ces expressions représente plusieurs mots, mais non quand elle en représente seulement un ; excepté là où il vaut mieux répéter ce seul mot, ce que les Grecs n’hésitent nullement à faire, tandis que les Français se montrent plus soucieux que personne de l’éviter. Les Allemands, eux, s’empêtrent parfois de telle sorte dans leur « premier et dernier », qu’on ne sait plus ce qui est derrière et ce qui est devant.

Nous méprisons l’écriture idéographique des Chinois. Mais comme la tâche de toute écriture est d’éveiller, par des signes visibles, des idées dans la raison d’autrui, c’est manifestement un grand détour de ne présenter d’abord à l’œil qu’un signe du signe perceptible de celle-là, et avant tout de faire de ce signe l’interprète de l’idée même : par quoi notre écriture en lettres n’est qu’un signe du signe. Il y a donc lieu de se demander quel avantage le signe perceptible a sur le signe visible, pour nous amener à délaisser la voie droite de l’œil s’adressant à la raison, et à nous livrer à un aussi grand détour que celui qui consiste à faire parler le signe visible d’abord par la communication du signe perceptible à l’esprit d’autrui. Il serait, en effet, bien plus simple de faire directement du signe visible, à la façon des Chinois, l’interprète de l’idée, et non purement un signe du son ; d’autant plus que le sens de la vue est accessible à un plus grand nombre de modifications, et plus délicates, que celui de l’ouïe, et qu’il permet aussi une juxtaposition des impressions dont ne sont pas capables, par contre, les affects de l’ouïe, qui s’exercent exclusivement dans le temps. — Les raisons agitées ici pourraient bien être les suivantes : 1o Nous emplo-