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« illustres confrères », comme se qualifient entre eux ces messieurs de l’Académie, prissent une fois la chose en considération et s’abstinssent de cette barbarie enfantine : c’est-à-dire, ou qu’ils laissent en repos la langue grecque et qu’ils se contentent de leur propre jargon, ou qu’ils emploient les mots grecs sans les massacrer ; d’autant plus qu’on a peine, vu la distorsion qu’ils leur font subir, à deviner le mot grec qu’ils prétendent exprimer, et ainsi à déchiffrer le sens de l’expression. Signalons aussi la fusion des plus barbares, en usage chez les érudits français, d’un mot grec avec un mot latin. Cela, mes « illustres confrères », sent le garçon perruquier.

Je suis pleinement autorisé à cette réprimande. Les frontières politiques, en effet, ne comptent pas plus dans la république des lettres que dans la géographie physique, et celles des langues n’existent que pour les ignorants ; mais les « nœuds » ne devraient pas y être tolérés.

Que les mots d’une langue s’augmentent en même temps que les idées, cela est juste et même nécessaire. Si, au contraire, le premier fait se produit sans le dernier, c’est simplement un signe de pauvreté d’esprit, qui voudrait bien dire quelque chose, mais qui, n’ayant pas de nouvelles idées, recourt à des mots nouveaux. Cette façon d’enrichir la langue est maintenant très à l’ordre du jour et est un signe des temps. Mais des mots nouveaux pour de vieilles idées sont comme une couleur nouvelle appliquée sur un vieux vêtement.

Remarquons en passant, et simplement parce que l’exemple s’en offre ici, qu’on ne doit employer « pre-