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LA LANGUE ET LES MOTS


La voix animale sert seulement à l’expression de la volonté dans ses excitations et ses mouvements ; la voix humaine sert en outre à l’expression de la connaissance. Il en résulte que la première, si l’on en excepte quelques voix d’oiseaux, fait presque toujours sur nous une impression désagréable.

Le point de départ du langage humain se trouve très certainement dans les interjections, vu qu’elles expriment non des idées, mais, comme les sons des animaux, des sentiments, des mouvements de volonté. Leurs différentes espèces furent bientôt trouvées, et de leur diversité s’effectua la transition aux substantifs, verbes, pronoms personnels, etc.

Le mot de l’homme est la matière la plus durable. Quand un poète incorpore son impression la plus fugitive en mots qui lui sont exactement appropriés, elle y vit pendant de longs siècles et se ranime sans cesse chez le lecteur qui y est accessible.

Les langues, c’est un fait connu, sont d’autant plus parfaites, surtout au point de vue grammatical, qu’elles sont plus anciennes ; et elles ne cessent de se détériorer