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Madame Brayant, née Maria van der Moll, sa femme, est grande, maigre, longue et anémique. Elle a beaucoup de cheveux qui sont siens, mais pas de gorge, au-dessus d’un petit ventre qui bedonne sans élégance. Détail intime : ne met jamais de corset, sinon en cérémonie.

Mademoiselle Émerance a dix-sept ans, est boulotte et très blonde, avec des joues fraîches aux pommettes roses et des ongles propres quoique assez mal taillés. On n’en fera jamais qu’une petite bourgeoise.

La famille est au salon. Monsieur, en manches de chemise, est déjà habillé d’un noir cérémonieux. Madame est en peignoir à petit damier violet et blanc. Elle a les cheveux enroulés sur le front, sur de formidables épingles qui forment antennes. De loin, on croirait qu’elle a des cornes. Émerance, figée près de la porte, regarde souriante et encombrée de linge, nappe et serviettes en pile.

Monsieur Brayant (tirant par un bout de la table qu’il cherche à ouvrir). — Humph !…

Madame Brayant (tirant en sens inverse). — Humph !… (Puis, elle s’arrête soudain pour interpeller sa fille.) Eh bien, fifille, ne vas-tu pas donner un coup de main à ta mère ?

Émerance (sans bouger). — Mais, maman…

Monsieur. — Dépose les serviettes à café sur le piano. J’espère que tu ne vas pas attendre, pour aider ta mère, qu’elle se soit faite une rupture ? Tire de son côté.