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d’une nasale des langues européennes[1]. Le prâkrit et, partant, le sanskrit pouvaient bien s’assimiler quelques-uns des éléments linguistiques du tamoul, du kanara et d’autres idiomes indigènes ; mais ils ne pouvaient doter ces emprunts d’une qualité qui répugnait à leur nature. Il semble permis du moins de croire que les mûrdhanyas ou consonnes de tête se refusent à un yama spécial. Au reste, il faut lire au sujet du yama, et de toutes les investigations linguistiques si pénétrantes du génie indien, les études fort bien faites sur la Rikprâtiçâkhya de M. Ad. Regnier. Il faut lire aussi sur le même sujet le Prâtiçâkhya du Yajur-Véda blanc, interprété par l’éminent indianiste, M. Albrecht Weber. Les difficultés de ces travaux sont grandes, et ceux qui ne savent pas ce que c’est qu’un sûtra ne peuvent en avoir une juste idée. Un sûtra, et les prâtiçâkhyas sont tous composés de sûtras ; un sûtra, c’est l’énoncé d’une pensée ou d’un fait, grammatical ou autre, en termes tellement brefs et concis, qu’il semble, a-t-on dit, que les auteurs de ces sphinx linguistiques aient regretté, comme un vol fait à leur savoir, la dépense de la moindre parcelle alphabétique. Il faut donc beaucoup de science et de sagacité pour surmonter avec honneur les difficultés d’explication que présentent les prâtiçâkhyas. Depuis que le savant R. Roth avait introduit dans les études indiennes les Prâtiçâkhya-sûtrâni[2], M. Regnier y est

  1. Il est certain que le yama existe en français. Quand, par exemple, le g est suivi d’un n, ou sent distinctement que la nasale se dédouble en quelque sorte dans la prononciation de la muette. Il est impossible, avec nos signes alphabétiques, d’exprimer la chose graphiquement, tellement la nuance est délicate ; et les Indiens ne l’ont pas non plus essayé pour le sanskrit.
  2. Rudolph Roth, Zur Littratur und Geschichte des Weda, p. 55.— Jâska’s Nirukta, p. xlii sqq. 1852.