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le sol indien, habité par des populations de couleur. Elle doit avoir mis un temps considérable pour se consolider avec cette rigueur dogmatique du panthéisme qui fait dire à la Bhagavad-Gîtâ que « l’œuvre propre du Çûdra est la servitude, en vertu de sa nature, svabhâvajan[1] ». En effet, nous voyons par un certain nombre de textes que d’abord il n’était pas impossible de passer d’une caste dans une autre. Le kshatra Viçvamitra, le grand pénitent, mahâtapâh[2], romme l’appelle Vâlmîki, devint membre de la caste des brâhmanes : et il est probable que Çunahçêpa, qui, sous le nom de Dêvarâta Dieudonné, devint sacerdote par la puissance de la prière, était un Çûdra, car il me semble que ce nom de Çunahçêpa, qui veut dire « queue de chien », ne permet pas de faire de ce personnage le fils d’un brâhmane. Un tel nom ne peut absolument pas appartenir à un brâhmane ; la loi, à cet égard, est formelle[3]. Puis, Çunahçêpa ne dit-il pas à son père, qui a voulu le sacrifier, immoler pour l’amour du lucre : Tu ne t’es pas défait de l’esprit çûdra[4] ?

Quoi qu’il en soit, il est certain que le mot varna, en tant qu’il désigne la caste, était inconnu aux pasteurs védiques. Ils le connaissaient, cependant, mais l’acception défavo-

  1. Bhag.-Gîtâ, lect. XVIII, çl. 44. — Cf. Manu, VIII, cl. 410, 413 et 414, où il est dit que l’affranchissement même ne peut délivrer le Çûdra de la servitude, car cet état lui est naturel, nisargajan hi tat tasya. Cf. lect. X, 121, sqq.
  2. Comme en français, les adjectifs en sanskrit, suivant qu’ils sont placés avant ou après le substantif, donnent quelquefois à celui-ci une acception différente ; p. ex. mâtâmahâ veut dire grand’mère, et mâhamâtâ grande mère.
  3. Manu, II, 31, 32.
  4. Voy. Aitareya-Brâhmana, ch. XX, ap. Roth ; Ind. Stud., I, 463. — Ce brâhmane fait partie du Rik.