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pas alliée par la matrice, qu’il l’interpelle ainsi ; ô noble ! ou bien : ô fortunée ! ô (ma) sœur I »


Par « femme qui n’est pas alliée, à celui qui salue, par la matrice (yonita), on entend une femme qui n’est pas sa parente du côté maternel. Dans les rapports de la famille indienne, la mère ne détermine que le droit d’alliance ; les parents du côté du père seul le sont en vertu du sang. Cet axiome de jurisprudence, que recèle du reste aussi le mot « consanguin », puisqu’on ne l’applique qu’aux parents du côté du père, est fort important et entraîne une foule de conséquences religieuses et sociales.

Le commentaire dit que le salut précité est réservé au temps d’un dialogue accidentel : anuprayukta-sambhâshanakâle, quand c’est le hasard qui vous fait faire la rencontre d’une femme mariée et étrangère. Car c’est d’une femme mariée qu’il s’agit dans celle loi. Par l’emploi (grahanât) du mot parapatnî, épouse d’un autre, dit l’exégète, cette règle ne concerne pas une jeune fille (kanyâ). On salue une sœur et une jeune fille avec le mot âyushmatî ; il exprime le souhait de longue vie pour celle qui doit avoir la démarche d’une oie ou d’un jeune éléphant, hansavârana-gâminîn, pour avoir droit à être classée parmi les beautés gracieuses et dignes de trouver un amant sérieux, c’est-à-dire un mari[1]. Quant au mot bhaginî, avec lequel il faut saluer la femme mariée, non alliée au saluant et qui veut dire sœur, il dérive du mot bhaga avec le suffixe in ; il signifie donc « celle qui possède la félicité », Dieu[2] enfin. Le terme

  1. Manu, III, cl. 10.
  2. Bhagâ est un nom de Dieu. Çiva est appelé Mahâbhâga le grand Dieu. Dans le Véda, bhaga est le Dieu du soleil levant. Cf. l’ancien perse baga et le bog slave.