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plus sévères contre l’infidélité conjugale, à ce point qu’une femme des premières castes, qui est prise sur le fait, sera dévorée par des chiens dans la place publique et son complice brûlé sur un lit de fer chauffé à rouge[1]. Mais quelle valeur peut-on attribuer à cet article ? N’est-il pas suivi de celui qui permet à la femme mariée de cohabiter avec un autre homme et précédé de celui-ci : « L’homme qui jouit d’une jeune fille parce qu’elle y consent, et s’il est de la même classe qu’elle, ne mérite pas de châtiment[2]. » Ce n’est pas que notre société européenne, avec ses dix-huit siècles de christianisme, ait, sur ce point, grand sujet de jeter la pierre à celle de l’Inde ; nous avons des bureaux de mœurs, institution déplorable et pire, quoi qu’en disent les politiques. Cependant, tout bien considéré, cette œuvre inqualifiable n’est pas écrite dans nos Codes, et c’est en effet le point important ; car rien de ce qui est digne d’être conservé n’est perdu tant que le principe est debout, tant que les mots Dieu, vertu, honneur, ne sont pas des ombres vaines. Alors la société a toujours un point d’appui à l’aide duquel, comme un autre Lazare, elle peut se soulever sur son lit de pourriture et se replacer d’emblée dans une position normale.

Rien de semblable ne peut être espéré pour les Hindous : la débauche est consacrée par leur religion. L’état de fille publique, loin d’être déshonorant, devient même honorable et saint si le métier s’exerce en l’honneur de Dourgâ ou de Kâli, déesses de la lubricité et de la prostitution. Le nombre des pagodes, servant de lieux de débauche, est très-considérable[3], et celui des filles qui y sont attachées est impossible à supputer : il y a telle ville où plus de la moitié des femmes d’âge à faire cet état s’y adonnent sans que personne y trouve à redire[4]. Les Hindous ne comprendraient pas celui qui les en blâmerait. Ils ont le sens moral tellement dévoyé, par suite du culte de la nature surchargé d’un grossier mysticisme, qu’il court parmi eux un distique qui dit que le commerce avec une prostituée de pagode est une vertu qui efface les péchés[5], et qu’ils répondent à

  1. Man., viii, 371, 373.
  2. Man., viii, 364.
  3. Bernier, Voyages, ii, 94, 95 ; Dubois, ouvr. cit., ii, 369 sqq.
  4. Jacquemont, Journ., iii, 35, 47 ; Dubois, i, 437 sqq. ; Anquetil-Duperron, Zend-Avesta, i, i, cccxlv.
  5. Dubois, loc. cit.