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mélange n’est plus, aux yeux des Hindous, un adultère, et, ce qui le prouve, c’est que la femme d’un homme qui n’a pas d’enfants, pour une raison ou pour une autre, peut légalement cohabiter avec un autre homme, un des parents de son mari, jusqu’à ce qu’elle en ait un ou plusieurs fils[1]. Un fils engendré de cette manière s’appelle né dans le champ du mari (kshêtradja)[2]. On conçoit que cela puisse aller loin. N’importe ; comme la possession d’une belle et nombreuse progéniture était le vœu permanent des hommes du naturalisme, le brahmanisme, qui en est le développement tel que le comporte le génie indien[3], a hérité de ce vœu, et il a permis tout ce qui pouvait contribuer à le réaliser. « Ô Agni ! ne nous livre pas au malheur d’être privés d’enfants, » disaient les Aryas[4]. « L’homme qui se retire du monde avant d’avoir engendré un fils va dans le séjour infernal, » dit Manou[5]. Cela explique suffisamment pourquoi on n’entend jamais un Hindou se plaindre qu’il est surchargé d’enfants, à quelque degré de dénûment qu’il soit d’ailleurs réduit et quelque nombreuse que soit sa famille[6]. Car non-seulement les enfants empêchent que leur père ne tombe dans l’enfer, ils lui assurent encore le ciel : « Par un fils, un homme gagne les mondes célestes ; par le fils d’un fils, il obtient l’immortalité ; par le fils de ce petit-fils, il s’élève au séjour du soleil[7]. »

On pense bien qu’avec une telle législation la société indienne se trouve dans une atmosphère morale tout autre que la nôtre. Elle préconise, il est vrai, la chasteté ; elle édicte même les peines les

  1. Man., ix, 60, 61. Il y a comme une réminiscence de cette coutume chez les Juifs en ce que la cohabitation de la femme avec un parent était obligatoire après la mort du mari (voy. Gen., xxxviii, 8 ; Deut., xxv, 5). Il n’est peut-être pas illogique de rapporter à cet usage cette forme de mariage si étrange qu’on nomme Polyandrie, et qui, dans l’Inde, paraît avoir existé dès la plus haute antiquité. On le remarque surtout dans le Malabar et dans l’Himalaya. Là, une femme est l’épouse de tous les frères d’une même famille, quelque nombreux qu’ils soient.
  2. L. de Manou, ix, 167.
  3. Le Véda tout entier est la source du devoir : Vêdô’ khilô dharma-moûlam (Man., ii, 6). Toute action qui intéresse la société est védique : sarvan karma laûkikaṅ vaîdikam (Koull., ii, 4).
  4. Rig-Véda, v, i, xv, 19 ; passim.
  5. Lois de Man., vi, 35, 37.
  6. Dubois, ouvr. cit., i, 118 ; ii, 365.
  7. Man., ix, 137.