Page:Schoebel - Le Naturalisme du Rig-Veda et son influence sur la sur la société indienne.djvu/31

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 25 —

prend fort bien que ce qui fait qu’un peuple demeure lui-même, c’est la morale de ses mœurs et non les opinions qui peuvent, quelquefois sans inconvénient, changer du jour au lendemain.

Pour ce qui est des relations de l’homme avec la femme dans les temps védiques, je ne puis produire aucun document précis ; mais si j’en juge par l’impression morale de divers hymnes, où les deux époux apparaissent présidant en commun le sacrifice au moyen duquel ils espèrent obtenir une belle et nombreuse famille, je suis porté à croire que ces relations étaient dignes et d’une grande pureté. La polygamie, ce cancer de l’Orient, paraît n’avoir point été connue alors, car il me semble que, si elle avait existé, on l’aurait dit, ou, du moins, on y aurait fait quelque allusion. La preuve que la monogamie fut la loi primitive, c’est que Manou, tout en admettant comme légal l’état de polygamie, le rabaisse cependant bien au-dessous de l’autre, en disant : « Celui-là seul est un homme parfait qui se compose de sa femme, de lui-même et de son fils[1]. » Il n’aurait pas pu parler ainsi si la tradition, fortement établie dans les mœurs, ne l’y avait autorisé. Aujourd’hui encore l’immense majorité des Hindous se contente de prendre une seule femme.

Ce n’est pas à dire cependant que ce qui domine et règle les relations des sexes dans la société indienne soit l’idée du bien et du mal, telle que la conçoivent les adorateurs d’un Dieu unique ; non, les devoirs religieux et moraux dans l’Inde n’ont leur raison d’être que parce que ce sont des devoirs qui découlent de l’état de nature tel que la théocratie brahmanique l’a formé ou déformé. Ainsi l’adultère est un crime ; mais ce n’est pas un crime indépendamment de toute circonstance extérieure et pour lui-même ; c’est un crime, d’abord, parce qu’il y a chance très-forte qu’il mette en contact des êtres qui se souilleraient déjà, quoiqu’à un degré inférieur, en ne se touchant que du bout des doigts ; en second lieu, parce que de cette liaison il peut naître un enfant qu’on ne sait où placer, qui n’est d’aucune caste, et, par conséquent, un être plus ou moins impur. « C’est de l’adultère, dit Manou, que naît dans le monde le mélange des classes, et du mélange des classes provient la violation des devoirs qui cause la perte de la race humaine[2]. » Ainsi l’adultère qui ne cause pas ce

  1. Lois de Manou, ix, 45.
  2. Man., viii, 353.