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promiscuité jeta les mères dans les bras de leurs fils et les filles dans la couche de leurs pères. La réhabilitation de la chair fut complète. — Un des premiers qui s’élevèrent contre l’influence de Mazdek, fut le prince royal Nouchirvan. Il proposa à l’apôtre socialiste un combat spirituel, et, en présence des hommes les plus instruits des deux partis, il démantela ses arguments, pièce à pièce. Le faux prophète finit ses jours dans un cachot.

Le védisme ne suivit pas ces errements. Les doctrines du naturalisme lui firent prendre une route tout opposée ; elles le préservèrent des folies destructrices de la société. Précisément parce qu’il s’attacha étroitement à la terre, la propriété devint pour lui de bonne heure sacrée et inviolable, et les hommes suivirent la démarcation rigoureuse de la propriété. De là, la division par tribus, par familles, par classes, enfin ce que nous appelons castes, terme que les Hindous ne connaissent pas. Ceux qui possédaient beaucoup, les chefs, se constituèrent les gardiens, les maîtres de la terre ; de là leur nom de kshatriyas[1]. Ceux qui n’avaient que leur demeure et un champ, mais suffisant à leur entretien, formèrent la classe des hommes à demeure fixe, les agriculteurs, les vaîsyas. Ceux qui n’avaient absolument que leurs bras et qui, par conséquent, étaient dans un état de dépendance continuelle, se trouvèrent classés sous le nom de soûdras. Ceux enfin qui, dans l’intérêt de tous, allumaient le feu du sacrifice, préparaient l’offrande et la libation et invoquaient les puissances de la nature ; ceux par l’intervention desquels on s’attendait à obtenir la pluie et le beau temps, nécessaires pour conserver et augmenter la prospérité de tout le monde, ceux-là étaient honorés avant tous ; et le Véda les représente déjà comme tels en les appelant les premiers nés de Rita ou du sacrifice[2]. Ils formèrent, sous le nom de brâhmanes, de brahman, homme de l’infini, du Tout, de Dieu, la classe sacrée, par conséquent la première. Et cela n’aurait certes pas

  1. M. Langlois a très-bien fait de traduire les mots Brâhmana, Kshatra et Vaîsya de Brahman, Kshatra et Vis, par prêtre, héros et peuple. S’il ne l’avait pas fait, on aurait pu en conclure que les castes existaient déjà à l’époque védique. Il n’en est rien, quoiqu’on ne puisse nier que la tendance à cet état social n’y soit clairement exprimée (voy. Rig-Véda, vi, iii, iv, 16, 17, 18). Cette société avait même déjà ses parias, les Vrichalas (vii, viii, ii, 11). Quant à l’hymne v de la ive lect. de la viiie section, qui parle de l’existence des quatre castes, il n’est pas de l’âge védique (voy. p. 22, note).
  2. Rig-Véda, viii, i, xvi, 19.