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auquel, par lui-même, le Véda se refuse absolument, et que la Bhagavad-Gita lui refuse aussi[1]. Ce n’est pourtant pas faute de connaître le mysticisme et de l’appliquer à l’exégèse des anciens textes que les Hindous sont toujours restés dépourvus du sentiment de l’immortalité de l’âme proprement dite. Mais quel que soit le développement que les Pourânas, par exemple, aient donné aux conceptions des temps védiques, par rapport à l’état futur de l’homme ils n’ont pas su sortir du cercle matériel des renaissances que le Véda leur avait tracé. L’homme enveloppé dans le sein de sa mère, et sujet à plusieurs naissances, est au pouvoir de Nirriti (mal, maladie, malheur)[2]. Donnez, ô Asvins, l’immortalité à mon corps mortel[3]. Antique Agni, j’ai chanté tes naissances éternelles, tes naissances toujours nouvelles[4]. Voilà leur premier mot ; et voici leur dernier : l’homme qui persévère dans la quiétude jusqu’à la mort parvient à l’anéantissement de son être dans le Grand Tout[5], qui à son tour disparaîtra dans le cataclysme final[6].

Ainsi chez nul peuple et dans aucun pays le naturalisme n’a été plus franchement et plus constamment pratiqué que chez les Ariens de l’Inde. En cela il leur est arrivé le contraire de ce qui arriva aux Ariens de la Perse. Le spiritualisme des mages se corrompit promptement par le dualisme, le gnosticisme et le manichéisme, et, au ve siècle de notre ère, on vit surgir de « la terre du soleil », du Korâçân, le fougueux Mazdek[7], le premier apôtre du communisme et aussi le plus heureux. Alors se réalisèrent tous les rêves de nos imitateurs d’aujourd’hui, et cela se fit d’autant plus aisément que le roi de Perse d’alors, Kobad, se mit de la partie. Chacun, dit l’historien arabe Thabari, vécut au gré de ses désirs. Plus de propriété, plus de mariage. Tout le royaume fut sous la main des voleurs et des scélérats ; une horrible

  1. Bhag.-Gita, ii, 42, 43, 45.
  2. Rig-Véda, ii, iii, vii.
  3. Rig-Véda, viii, vi, i, 6.
  4. Rig-Véda, ii, viii, viii. Je crois, et M. Langlois, si j’ai bien compris, croit aussi, que l’hymne à l’âme (viii, i, xiii et xiv) s’applique à Agni, et non à l’âme humaine. Le refrain semble l’indiquer assez : Nous la rappelons ici (l’âme d’Agni, la flamme), à ton habitation (au foyer), à la vie (à la manifestation de la vertu ignée).
  5. Bhag.-Gita, ii, 72.
  6. Voy. Man., i, 54, 55, 57, 72, note 2.
  7. Voy. Alex. Chodzko, le Déçatir, Revue Orient., ii, 279.