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toire, le grand dieu vivant et ithyphallique, le générateur par excellence, avait la forme d’un nombril fait par une émeraude[1].

Les Chinois croient habiter le tchung-kué, l’empire du milieu. Les Scandinaves se disaient originaires d’Asgard, dans le Midhgardhr, la demeure du milieu[2], et les Romains se flattaient que l’Italie était au beau milieu, entre le levant et le couchant, inter ortus occasusque medium[3]. Enfin la légende chrétienne veut que le nombril du monde soit au centre du Katholikon de l’église mère par excellence, l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem[4].

Pourra-t-on nier que dans tout cela il n’y ait quelque réminiscence d’un clos organique primordial, comme le présente symboliquement, si je ne me trompe, le jardin d’Éden ? Ce sentiment, bien que dégénéré, se trouve aussi au fond de la prétention des Américains qui croient que leur pays est le centre du monde, et qui, en conséquence, appellent Boston, leur cité par excellence, the Hub, le moyeu (de la roue de l’univers)[5]. Une idée pareille a

  1. Umbilico similis… smaragdo. (Quinte Curce, IV, 7.) Pourquoi formé d’une émeraude ? La Vierge-mère est comparée à une émeraude dans un chant du moyen âge, et la glose explique : Smaragdus a tota semper est amator castitatis et non potest sustinere coytum, nisi rumpatur. (V. Alemannia, II, 223.) « L’émeraude seule mérite de verdoyer sur ton sein, » dit Lyncée à Hélène. (Faust, IIIe acte.)
  2. V. Gylfaginning, 9, dans l’Edda de Snorra, I, 54. Cf. Völuspâ, 4, dans l’Edda de Saemund. Cf. Tacite, Germania, 3, où le bourg des Ases, Asciburgium, est transplanté sur les bords du Rhin, in ripa Rheni, qui marque le centre du monde celtique et germanique, une seule et même race, suivant Holtzmann et d’autres.
  3. Pline, Hist. nat., XXXVII, 77 ; cf. III, 6.
  4. Socin, Pal. u. Syr., p. 207.
  5. Fr. Ratzel, Boston, dans la Köln. Zeit. du 31 juillet 1874.