Page:Schoebel - Le Mythe de la femme et du serpent.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 85 —

exaltation sensuelle, fasse croire à son fils qu’il est dieu eritis sicut deus[1]. Il le crut avec tant de conviction, qu’il décréta déesse sa mère[2] et qu’il immola à son infatuation ses amis les plus intimes, Clitus et Callisthène.


CHAPITRE VIII


Exilé d’Athènes, Démosthène s’écria : « Ô Minerve, comment peux-tu l’intéresser à une bête aussi méchante que le serpent[3] ! » Aujourd’hui, mieux instruits que l’illustre orateur, nous comprenons le muet langage du symbole. Mais de tout temps le charme du serpent a été si puissant sur les imaginations populaires qu’on en a usé et abusé, grâce à la connivence des poètes et des artistes, les corrupteurs par excellence. Ainsi encore, dans les chants du Rhodope, le serpent apparaît pour se montrer funeste aux vierges ; il dévore toutes les vierges qu’il peut atteindre, et il les atteint toutes[4]. N’est-il pas le porteur du feu qui brûle et consume, le génie du principe rénovateur, le récipient de cette sève de vie et de continuité que les Indiens appelaient amrita, immortalité[5] ?

Nous naissons ainsi et renaissons par le serpent ; nous

  1. Plutarque, Alex., II, III, XXVII.
  2. Quinte Curce, X, 5.
  3. Démosthène ajoute encore le hibou et le dêmos aux bêtes très-méchantes, χαλεπωτάτοις θηρίοις. (Plut., Demosth., XXVI.)
  4. V. les chants du Rhodope, par Chozdko, dans le Bulletin de la Société de Linguistique, juin 1875, no 13.
  5. V. Mahâbhârata, cl. 1503 sq.