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montraient Déméter communiquant la connaissance de quelque chose au chercheur Prométhée : ἐς γνῶσιν τι[1]. Cette connaissance avait évidemment pour but de rendre l’homme égal aux dieux ou Elohim : ἔσεσθε ὡς θεοί[2]. Mais c’était un mystère que les initiés n’avaient pas la permission de divulguer. Aussi, depuis Hérodote jusqu’à Pausanias, les écrivains grecs qui touchent cette corde ne manquent-ils pas de nous dire qu’ils ne sont pas libres de révéler une tradition sacrée, ἱερὸς λόγος. Je sais bien qu’on m’objectera Lucien[3]. Mais l’humeur bien connue de ce sceptique peut faire supposer qu’il a voulu mystifier ses lecteurs. Il n’est aucunement probable, en effet, que ce qui se passait aux mystères d’Eleusis représentât les choses terribles qu’on voyait dans le royaume de Rhadamanthe, le Hadès[4]. Mais les voiles de la satyre et du respect, la franchise du document mosaïque les a déchirés. Le secret des mystères d’Eleusis est le : « Vous serez comme des dieux », c’est-à-dire vous aurez, en vertu de la reproduction sexuelle, une existence sans fin. Ainsi nous sommes encore sur le terrain de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, γινώσκοντες καλὸν καὶ πονηρὸν, et les mystères d’Éleusis ont un caractère psychologique plutôt que théologique.

Aristote le dit : « les initiés à ces mystères devaient être disposés à éprouver un certain sentiment : ἀλλὰ

  1. Pausanias, Beotica, c. 25.
  2. Genesis, III, 6.
  3. V. Luciani Trajectus (Κατάπλους), XXII.
  4. Micylius : Dic mihi (initiatus enim es, Cynisce, Eleusintis), nonne tibi similis hic status superis esse rebus videtur ? Cyniscus : Bene dicis.