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Après cela, le jour brillant et pur devint noir, et Irân déchut. Les sujets de Jemschid brisèrent les liens qui l’attachaient à un roi devenu insensé, et allèrent rendre hommage à Zohak, qui devint ainsi roi de l’Irân. Et l’homme à la face de serpent prit le trône de Jemschid ; « il prit le monde comme une bague pour le doigt[1]. »

Telle est, en peu de mots, la fable de Firdousi, et l’on voit que si elle diffère beaucoup de l’apologue de la Genèse, elle a cependant de commun avec lui assez de traits pour qu’on ne puisse y méconnaître un type identique. Seulement il y a un oubli essentiel : la femme y manque : mulier teterrima belli causa[2]. Mais serait-ce vraiment un oubli ? Je ne le pense pas. Dans l’esprit du poète musulman, il ne convenait pas d’attribuer un rôle politique important au sexe dont les sectateurs du Korân usent et abusent, mais qu’ils méprisent. Ils appellent, il est vrai, la femme l’honneur (harma) de la famille, mais ils disent aussi qu’elle en est la faiblesse (âwra), et c’est cette dernière idée qui prévaut et détermine en général leur conduite envers les femmes. Le chef des croyants lui-même ne trouve pas grâce chez eux en faveur de sa mère ; il est « le fils de l’esclave ».

Avec les Grecs qui, eux aussi, comme il appert du mythe de Pandore, n’avaient, en principe du moins, qu’une triste opinion de la femme, bien qu’ils la fassent créer par Minerve, qu’accompagne, on le sait, le ser-

  1. Schâh-Nameh, t. p. Mohl, I, p. 53-65.
  2. « Où est la femme ? » est vrai partout, même chez les nègres. Il n’y a pas de querelle chez eux sans qu’une femme n’y soit en cause. Schweinfurth eut souvent occasion de le constater, (Im Herzen von Afrika, II, p. 440.)