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la force génératrice de l’amrita, présentent, comme la fable de Prométhée, le côté élevé du mythe, tandis qu’en général c’est l’ἡδονή, la passion grossièrement sexuelle, qui prévaut. Cette bifurcation de la donnée primitive, nous pouvons la constater sur le champ par la forme que le mythe prend dans le poème de Vâlmîki.

Indra brûle pour Ahalyâ, la chaste et intègre épouse de Gautama, solitaire dans sa forêt. Il l’aborde sous le déguisement de son mari et lui dit qu’il désire l’embrasser. La belle n’est pas dupe du travestissement ; on voit même, par l’empressement avec lequel elle cède au tentateur, qu’elle se plaît dans la malice, que son cœur est déjà perverti, durmedhâ. Elle commet donc le crime ; mais, désirant sauver son honneur aux yeux du magnanime ascète, elle presse le dieu de s’esquiver avant qu’il ne soit vu. C’est ce que désire faire aussi le séducteur « comblé de bonheur » ; malheureusement, par la crainte même qu’il a de rencontrer le redoutable solitaire, il ne voit pas avec ses mille yeux, sahasrâksha, celui qu’il veut éviter. Il se heurte contre Gautama qui arrive à l’improviste. Le mari s’aperçoit aussitôt au trouble du déva de la mauvaise action que l’intrus a commise. Alors, maudissant le séducteur, il lui dit : « Puisque tu as fait ce qui ne doit pas être fait et que tu as commis le crime en empruntant ma forme, sois désormais impuissant, tasmât tvan viphalo bhava ». Et au même instant les testicules, vṛishanai, du déva tombèrent sur la terre ; toute la splendeur de son aspect s’évanouit, et la maladie le saisit. Le terrible ascète alors se tourne vers la femme, la maudit (çaptavân) aussi et lui dit : « Puisque tu as fait une mauvaise action, que la douleur te consume, pendant un nombre d’années in-