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les Grecs étaient si faciles aux belles courtisanes, il faut en chercher la cause dans le sens singulièrement développé chez eux de la beauté plastique et des plaisirs transcendants de la grâce. C’est la beauté et la grâce qui levaient promptement leurs « esprits de terriene pensée en contemplation hautaine des merveilles de nature[1], » et les rendait accessibles, plus qu’il ne fallait sans doute, aux charmes de la société des hétaïres[2], ou, comme dit le bon Homère,[3] à l’attrait secret et indéfinissable de la ceinture de Vénus.

C’était aussi le même motif qui les portait à l’amour des meirakia, cet amour de la beauté mâle à sa période la plus ferme et la plus gracieuse. On aurait tort de conclure de cet amour, τῶν παίδων ἔρως, si répandu chez les Grecs, et jusque chez les anciens Américains[4], à la perversion des mœurs de la Grèce et des autres pays. Les dieux et les héros étaient censés s’y adonner tout comme les hommes[5]. Et en effet, l’amour des garçons était, en principe et dans la réalité, un amour honnête, καλός ; Vénus Uranie l’avait ins-

  1. Pantagruel, iii, 18.
  2. Alciphron, Lettre x.
  3. Ilias, xiv, 214 :

    ἱμάντα…
    ἔνθ᾽ ἔνι μὲν φιλότης, ἐν δ᾽ ἵμερος, ἐν δ᾽ ὀαριστὺς

    πάρφασις, ἥ τ᾽ ἔκλεψε νόον πύκα περ φρονεόντων.

  4. On l’y connaissait, selon le P. Lafiteau, sous le nom de atour assap, alliance parfaite. Les liaisons d’amitiés particulières entre les jeunes gens, nous dit cet auteur, ne laissent aucun soupçon de vice… (Mœurs des sauvages américains, I, p. 607 ; édit. 1724)
  5. Parmi les plus célèbres de ces amours, il faut nommer ceux de Jupiter pour Ganymède, et d’Héraclès pour Hylas. Voyez, quant à ce dernier, Panofka, Explication d’un camée au musée Borbonico, dans Archäol. Zeit., mai 1848.