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traire, cette pudeur que nous trouvons aussi belle que le motif en est honteux. Ah ! la pure et simple naïveté ! C’est elle qui est tout aimable, nous le voyons tous les jours, mais l’âge qui la possède passe rapidement ; la sainte ignorance de la chasteté s’évanouit en général de bonne heure. La vierge de nos vieilles civilisations n’est pas tant chaste que pudique, eût-elle, comme Occie, présidé pendant toute sa vie un collège de vestales[1]. La chose est vraie aussi, pour l’homme, fût-il cuisinier du roi d’Angoy[2]. Le chevalier des Grieux put, dit-on, conserver sa chasteté jusqu’à l’âge de dix-sept ans. « Jamais, assure-t-il, je n’avais pensé à la différence des sexes. » Mais c’est écrit dans un roman, comme Daphnis ; l’histoire parle autrement : elle nous dit, pour citer un exemple illustre, que Louis XIII, qui passe cependant pour chaste, s’irrita tellement d’un tableau mythologique fait par Michel-Ange, qu’il le fit brûler[3]. Jeter au feu, sous le prétexte fallacieux d’indécence, une œuvre du plus grand artiste qui ait jamais existé ! Certes, il n’était pas chaste celui qui commit une barbarie pareille. La chasteté est par un côté comme la charité ; elle n’a point de mauvais soupçon, non cogitat malum ; elle ne se scandalise de rien, non irritatur[4]. Elle est comme la Vierge qui, à l’annonce : « Tu concevras et tu enfanteras », demande placidement : « Comment cela se fera-t-il, car je ne connais point d’homme » ? quo-

  1. Tacite, Annal., II, 86.
  2. Le cuisinier du roi d’Angoy, nous dit Bastian (Deutsche Expedition an der Loango-Küste, I, 216), doit être chaste et ne jamais avoir commerce avec une femme.
  3. Lépicié, Catalogue raisonné des tableaux du Roy, I, p. 27.
  4. I Corinth., xiii, 5.