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les possède. L’honneur va on ne peut mieux avec le courage, quoique le collège des pontifes romains ait obligé Marcellus à placer leurs représentations plastiques dans deux temples séparés[1] ; de même la modestie s’accorde très-bien avec la force, comme la prévoyance avec la valeur ; la justice n’exclut pas l’humilité, ni la douceur l’austérité, ni la prudence la libéralité, ni la simplicité la finesse, et ainsi de suite. Mais jamais un homme chaste, et je prends bien entendu le mot chaste dans l’intégrité du sens primitif de pureté morale vierge, jamais un homme chaste ne connut la pudeur. Au moment où l’homme devient pudique, il est impossible qu’il soit encore chaste. Cela n’empêche nullement qu’il ne puisse conserver des mœurs très-pures ; le sentiment de la pudeur lui est au contraire une garantie qu’il les conservera, et c’est lui qui réalisera le casta pudicitiam servat domus[2]. Toutefois, l’impression que lui fait éprouver la pudeur est celle d’une atteinte pénible à la délicatesse de ses sentiments ; il se trouble, il rougit, une sensation indéfinissable le tourmente, il a honte, et sa conscience n’est plus tranquille. Mais l’homme dont la chasteté est encore intègre viole constamment les règles de la pudeur ; seulement il les viole sans le savoir, sans même le soupçonner, avec une sérénité placide. Il est impudique, mais il l’est naïvement, et sa conscience ne lui reproche rien.

D’après cela, il est clair que la chasteté fait essentiellement partie de l’état de nature, et c’est à cause de cela que l’enfant et l’homme à l’état de nature ignorent son con-

  1. Valère Maxime, Memorabilia, I, 1, 8.
  2. Virgile, Georgica, II, 524.