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est une conception idéale et que l’idéal est absolument inaccessible à l’homme. Rien d’ailleurs ne peut transmuter la nature : non mutat genus. Les théologiens et les moralistes qui emboîtent le pas marqué par les ingénieuses imaginations des « doctes » sont, il est vrai, d’un autre avis. Ils affirment carrément que la faute de l’état imparfait de l’homme est à l’homme, que la tradition de la chute le démontre. L’homme était libre ; il a abusé de sa liberté, et ce faisant, il a faussé à jamais une nature qui, à l’origine, était parfaite.

Ce raisonnement n’a qu’un défaut : il pèche par sa base. L’homme était libre ! Mais c’est ce qu’avant tout il fallait démontrer. Si on ne l’a pas fait, c’est que probablement cela est impossible. Nous venons de le dire, l’homme procède de la nature et ne procède que d’elle. Rien, en effet, n’existe en dehors de la nature ; jamais on n’a vu une créature surnaturelle. Or, « la nature obéit forcément, semblable au battement mécanique de l’horloge, à la loi de la pesanteur », sa propre loi. Donc, toutes ses créatures, les génies les plus transcendants comme les plus pauvres esprits, y obéissent aussi ; et de la sorte, ce qu’on appelle la chute est tout simplement