toute figure humaine et se sont rejetés sur le culte des objets bruts. C’était au moins refouler les exigences de l’orgueil personnel. C’est ainsi que chez les Grecs, dont le tempérament prédisposait à une philosophie simple et lucide, l’objet de l’adoration religieuse est devenu en général, malgré le sentiment esthétique si développé de la nation, une idole à peine façonnée ou entièrement informe, un ξύλινον ἄμορφον. On adorait à Athènes, de préférence aux œuvres les plus exquises de la statuaire, un pieu grossièrement taillé, à Paphos un cône, à Samos une planche, à Thespie une branche, à Délos une bûche[1], des colonnes et des arbres[2] en je ne sais combien d’endroits, et tout le monde sait que le culte des pierres, des bétyles, tant en Orient qu’en Occident, subsista longtemps encore après notre ère, si tant est qu’il ait cessé d’y être suivi au centre
- ↑ V. Pausanias, VII, 22, VIII, passim, X, 19 al. ; Athénée, XIV, 614 ; Lactance, II, 2 ; Arnobe, Adv. Gent., XVI ; Clement. Alex., Protrept., IV, 46 ; Eusèbe, Prép. év., III, 8, etc.
- ↑ Dans l’arbre, l’homme se voyait d’autant mieux lui-même, qu’il croyait être sorti de terre, à l’instar et sous forme d’un arbre, δενδροφυεῖς. (Frag. Pindar., dans Philologus, I, 586. Cf. Æneid., VIII, 131 ; Juvénal, VI, 11. V. encore Simrock, Deutsch. myth., p. 32.) Dans le Bundehesh, les hommes naissent sous la forme de la plante Reiva (Rheum ribes), ch. XV ; dans l’Edda, I, 52, Gylfaginning, IX, ils sortent du frêne et du tremble. Nous avons déjà rappelé que, suivant une légende juive, Ève avait la forme d’un noisetier. (V. Nork, Andeut. eines Syst. der Myth., p. 158.) Enfin, la parole d’Isaïe (XI, 1), que la Vierge, la nouvelle Ève, sortira de la racine de Jessé, a donné lieu au mythe artistique qui représente Marie sortant à mi-corps d’un arbre s’élançant du nombril de la personne qui fait souche. (Voir une peinture dans la chapelle de la Vierge, à Saint-Séverin.) Un chant du moyen âge déjà cité (on nomme comme auteur Heinrich de Loufenberg), dit que Marie est une tige fleurie issue dans le paradis : du blügendes ris entsprungen in dem paradis. (V. Alemannia, II, 227.)