Page:Schoebel - Le Mythe de la femme et du serpent.djvu/109

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 103 —

sicut Dii. Mais quoique menteur au sens direct, il ne s’en vérifie pas moins dans les imaginations de l’orgueil qu’il a fomentées, n’importe le rôle, soit positif, soit négatif, qu’y occupent les choses sexuelles.

C’est d’ailleurs sous les formes les plus diverses que se produisent ces rêves et que l’homme tend à les réaliser. Ainsi en est-il des arts plastiques. Les législateurs religieux se sont donc accordés en tout temps à défendre la reproduction artistique de la figure humaine. Ce pastiche de la création de l’homme se prête en effet on ne saurait mieux à la satisfaction de l’orgueilleux moi. Mais les efforts des législateurs ont été vains. Le pli était pris, et rien n’a pu ni ne pourra probablement jamais l’effacer. L’homme continuera à faire un dieu de lui-même, et le Deus de Deo, tout comme « le Un de Un », quoique intentionnellement on ait voulu formuler ainsi le dogme du monothéisme, a tourné, avant qu’on ne s’en doutât, au sens de l’anthropomorphisme. La passion sexuelle a rendu l’anthropomorphisme indéracinable. Nulle religion plus que le buddhisme n’avait fait divorce avec lui ; il avait circonscrit la destinée humaine dans la limite des évolutions cosmiques, lui donnant pour dernier terme, en tous sens, le nirvâna, l’extinction dans l’atome universel, la substance amorphe du monde. Mais, sauf quelques rares exceptions[1], cette pure doctrine philosophique n’a pas pu se maintenir dans les esprits ; on est revenu à l’anthropomorphisme avec l’Adibuddha et les hiérarchies célestes. Le christianisme, à quelques tentatives isolées près, comme celles de Molinos

  1. Les buddhistes du Sud (Ceylan) soutiennent das Verwehen des Geistes, le nirvâna de Çâkkya Muni encore aujourd’hui. (Graul, l. l., II, 279.)