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Oui, c’est en définitive la peur, le sentiment qui domine la force de l’homme le plus fort, fût-il Ajax ou Pompée, c’est la peur qui révéla, à ne pas s’y tromper, à nos premiers ancêtres que la nature a un maître, et cette peur fut, comme de juste, la suite immédiate de leur présomption de s’être posés en Elohim et de la honte qu’ils eurent d’avoir échoué dans leur entreprise. L’homme se couvrit donc ; il sentit qu’il ne pouvait plus rester ἄμιτρος sans ceinture, comme l’être chaste et innocent ; il eût voulu se cacher à lui-même. « Tantost et incontinent qu’ils eurent péchié », dit en son langage naïf un ancien document français, « ilz se hontoièrent l’un de l’autre, et par espécial orent honte et confusion de cellui membre dont génération de lignée est créée et multipliée. — Pourquoy plus de cellui membre que des autres ? — Pour ce que ils cogneussent bien que ceulx qui vendroient d’eulx seraient coqceuz par celle manière-là[1] ». Soit ; mais ce n’est pas la raison efficiente de la honte et de sa compagne la pudeur. La raison efficiente du secret honteux où sont tenus chez tous les peuples, sauf chez les races indépendantes en leur origine de la nôtre, les organes sexuels et les fonctions qui leur sont dévolues, est dans le motif de l’acte tout naturel en soi de la première cohabitation sexuelle. Mais quel est ce motif ? Qu’on médite ces paroles d’Ezéchiel : « Tu habitais, dit-il, dans le jardin des délices du Seigneur… parfait dans tes voies depuis le jour de ta naissance jusqu’au jour où l’orgueil a été trouvé en toi. Quand tu voulais multiplier les trésors, tes entrailles ont

  1. V. Les Demandes faites par le roi Charles vi, etc., d’après un ms. de la bibloth. du roi, p. p. Crapelet, 1833, préf., p. vii.